Une espèce à part

Un espèce à part L’infime et l’infini

Depuis toujours, l’être humain sait
qu’il tient une place spéciale dans l’univers.

Centre du monde, joyau de l’évolution,
il a levé les yeux vers le Ciel.

Et puis, il s’est mis à explorer…

L’Homme a découvert
qu’il habitait une planète

parmi d’autres dans le système solaire,

un petit point bleu en rotation
autour de son étoile…

Une planète finalement de taille banale,
orbitant autour d’une étoile plutôt blême,

que les humains ont eux-mêmes
classée comme une naine jaune.

Une taille ridicule à côté
des très nombreuses géantes et supergéantes…

Prenez la grandiose
Eta Carinais par exemple,

une étoile un million de fois
plus lumineuse que le Soleil…

Ou bien la majestueuse Uy Scuti,
5 milliards de fois plus volumineuse…

L’univers foisonne d’astres
plus notables que le Soleil,

étincelle anonyme au pied
des hiérarchies stellaires…

Pour mesurer les distances
immenses entre ces étoiles,

l’Homme a dû inventer
une unité de longueur spéciale,

celle parcourue pendant un an
par une particule de lumière.

10 000 milliards de kilomètres.

Une année lumière est
donc à un kilomètre,

ce qu’un kilomètre est
à la taille… d’un virus.

Et l’univers mesure
80 milliards d’années-lumière…

Les étoiles sont incroyablement nombreuses.

Une seule galaxie contient
entre 100 et 400 milliards d’étoiles…

Et les galaxies elles-mêmes
sont innombrables.

Ce que l’on voit actuellement,

ce ne sont pas des étoiles,
mais des milliers de galaxies.

Pour l’ensemble de l’univers visible,

cela représente au total
400 sextillions d’étoiles.

Un nombre tellement important
que l’être humain peine à le concevoir.

Pourtant ce n’est pas si dur :

il y a autant d’étoiles
dans l’univers observable

que de gouttes d’eau dans
tous les océans de sa planète Terre,

ou de grains de sable
sur toutes ses plages et ses déserts.

Mais cette immensité ne représente
elle-même que l’univers observable,

cette zone au-delà de laquelle
les télescopes humains ne peuvent voir…

une toute petite partie de l’univers réel.

L’Homme habite la banlieue
lointaine d’une galaxie anodine,

perdue dans un univers si vaste

qu’il ne peut même pas
le concevoir dans son ensemble.

Face à ces échelles astronomiques,
ne serait-il pas…

insignifiant ?

Chapitre 2
Vie unique

Les humains habitent une planète
à leur image : spéciale, unique, parfaite.

La seule planète qui abrite
des êtres vivants, la Terre,

est une oasis de vie
au milieu du grand désert cosmique…

Mais est-elle vraiment si exceptionnelle ?

L’Homme n’a en fait qu’une vision très
floue de l’univers dans lequel il évolue.

À son échelle, ce domaine est
tellement vaste et vide,

qu’il l’a appelé,
faute de mieux, « espace ».

Loin d’être désert, cet espace regorge
d’une multitude de planètes,

aussi diverses que variées.

Puisqu’il y a en moyenne
une planète par étoile dans l’univers,

il y a probablement plus de 100 milliards
de planètes rien que dans la Voie Lactée,

et autant dans chacune des centaines
de milliards d’autres galaxies.

Avec une telle profusion de planètes,

comment la vie n’aurait-elle pu
évoluer qu’une unique fois ?

Même avec des probabilités
d’apparition ridiculement faibles,

l’univers pullule probablement de vie.

D’autant que cet univers
se transforme continuellement.

Chaque jour, 275 millions d’étoiles,
donc de planètes, naissent.

Autant arrivent en fin de vie,
et toutes sont en mouvement constant.

L’Homme ne peut même pas identifier
sa propre position, qui n’est pas fixe.

À commencer par l’orbite de la Terre,

fonçant autour de son Soleil
à une vitesse de 100 000 km/h,

et dont l’Humain n’a
même pas conscience.

Pas plus qu’il ne perçoit que
son système solaire entier se propulse

dans sa galaxie plus rapidement encore.

Et pour finir, sa galaxie,
comme toutes les autres,

est elle-même en mouvement.

Elle se rue vers la galaxie la plus proche,
Andromède, à la vitesse de 720 000 km/h…

L’Homme, si supérieur,
semble bel et bien perdu

dans un océan cosmique
en perpétuel mouvement…

Dans cet univers démesuré,

affirmer qu’il n’y a pas de vie ne revient-il
pas à plonger un verre dans l’océan

et conclure
qu’il n’abrite pas de poissons ?

Au final, les humains n’ont pas la moindre
idée de leur place dans l’Univers.

Sont-ils seuls…
Ou simplement…

insignifiants ?

Chapitre 3
Une seconde sur terre

La Terre est le berceau de l’humanité.

L’Homme y règne en
maître absolu, sans que rien

ne semble en mesure de l’arrêter.

Pourtant, la planète Terre
n’a pas attendu l’Homme

pour commencer son histoire…

Depuis que la vie y est apparue,
la Terre a hébergé d’innombrables espèces,

qui s’y sont succédées,
pendant plus ou moins longtemps.

Mais 99,9% des espèces qui ont
vécu sur Terre ont aujourd’hui disparu.

Certaines ont évolué
progressivement en d’autres espèces.

D’autres se sont éteintes brutalement.

En moyenne, leur passage sur Terre
ne dure que quelques millions d’années.

Si l’histoire de la Terre s’écrivait
dans un livre de mille pages…

La vie y apparaîtrait vers la page 185.

Cette vie ne serait représentée
que par des cellules simples

pendant plus de 700 pages…

Jusqu’à l’explosion d’espèces
multicellulaires, des pages 870 à 880.

La sortie des eaux ne se
raconterait qu’à la page 916.

Au cours de cette constante
transformation, la planète a également

subi cinq crises majeures
dont une, il y a 250 millions d’années,

au cours de laquelle la vie
sur Terre a failli disparaître.

Cette extinction de masse
a entraîné la disparition de

70% des espèces terrestres
et 96% des espèces marines.

La planète a mis près de
10 millions d’années à s’en remettre

et à reprendre l’inexorable
danse de l’évolution, avec ses disparitions,

et ses nouveaux arrivants,
comme cette fois-là les dinosaures…

à la page 960 de l’histoire de la Terre.

À la fin du livre, l’histoire entière
d’Homo sapiens depuis son apparition

jusqu’à aujourd’hui, ne ferait
l’objet que d’une poignée de lignes,

tout en bas de la toute dernière page.

Sa présence sur Terre
ne représente donc que 0,004%

de sa très longue Histoire.

L’Homme n’existe pas
depuis bien longtemps,

mais il n’est pas
pour autant plus évolué.

Toutes les espèces sont au sommet
de l’évolution, et toutes sont parfaitement

adaptées à leur environnement naturel,

du Bernacle, fermement
ancré sur sa Baleine…

Jusqu’au minuscule Dik-Dik,
d’apparence si fragile mais

qui survit aux attaques répétées
des aigles, pythons et lions depuis

des temps immémoriaux…

Rien n’indique que l’espèce
humaine devrait être éternelle.

Ni même qu’elle mettra plus
longtemps que les autres à disparaître…

Le plus probable est que son passage
sur Terre ne représente qu’un battement

de cil à l’échelle de l’Histoire de sa planète.

Une durée dérisoire.

Presque…

insignifiante ?

Chapitre 4
La feuille qui cache la forêt

L’Homme est une espèce exceptionnelle,
unique, au sommet de l’évolution.

Mais a-t-il seulement une idée
de ce que représente sa place

dans l’ensemble de l’arbre du vivant ?

L’Homme s’est lui-même
classé parmi les mammifères.

Un mammifère comme
le Gorille, l’Eléphant, la Musaraigne.

Ou même la chauve-souris et l’orque…

Il y a plus de 5000 espèces
de mammifères, et 10 fois plus

d’espèces de vertébrés,
qui comprennent aussi les oiseaux,

les reptiles, les amphibiens et les poissons.

L’Homme ne représente alors qu’une
espèce de vertébré sur près de 70 000.

Une seule feuille
dans un bien grand arbre…

Mais les vertébrés ne sont pas
les plus nombreux sur Terre, loin de là.

L’Homme a déjà identifié 5 fois
plus de plantes, et 20 fois plus d’invertébrés.

Rien que pour la famille des scarabées,
on connaît plus de 300 000 espèces !

On estime qu’il y aurait sur Terre entre
7 et 100 millions d’espèces différentes !

Mais les espèces vivantes,
ce ne sont pas seulement les animaux,

les plantes et les champignons !

Si l’on considère également
les bactéries, les virus

et tous les autres
organismes unicellulaires,

l’équivalent de leurs espèces pourrait
alors atteindre les 1000 milliards.

Une multiplication par
des milliers du nombre d’arbres de vie.

Si on prenait une espèce
au hasard sur Terre,

les chances de tomber sur
l’être humain seraient bien minuscules.

Depuis ses origines unicellulaires,
la vie s’est diversifiée

en un nombre incroyable de branches,
de genres et d’espèces,

dont l’Homme commence seulement
à entrevoir la diversité inouïe

et qu’il ne pourra probablement jamais
répertorier totalement.

Et dans cette immense forêt
se trouve une feuille, qui se pense centrale,

alors qu’en toute objectivité
elle est pour le moins…

insignifiante.

Chapitre 5
Dominations

Même s’il n’est qu’une espèce
perdue au milieu de la multitude du vivant,

l’humain est sans aucun doute
l’espèce dominante

à la surface de sa planète.

Mais par quels critères
se manifeste cette supériorité ?

Malgré plus de
7 milliards d’humains sur Terre,

l’Homme n’est pas
l’espèce la plus abondante, loin de là…

Les Hommes sont
par exemple trois fois moins nombreux…

Que les poules !

Même en comptant la masse
cumulée de tous ses individus,

la biomasse, l’humanité
ne pèse pas plus lourd… que les fourmis.

Les humains ne sont pas
non plus les plus grands…

… ni les plus forts…

… ni ceux qui vivent le plus longtemps.

Si certains requins ou tortues
vivent aisément plus de 200 ans…

… les coraux et des éponges
vivent plusieurs milliers d’années…

Certaines espèces de méduses
sont même capable de rajeunir

pour relancer
sans cesse le cycle de la vie.

Sans accidents ou prédateurs,
elles pourraient être immortelles…

Et si on les compare
aux autres espèces,

les humains sont
d’une fragilité déconcertante.

Les étoiles de mer
par exemple, peuvent faire repousser

tout leur corps à partir d’un bras…

Le Moloch hérissé peut tenir
des années sans boire autre chose

que les rares gouttes
qu’il récolte sur sa peau…

Quant au Tardigrade,
cette charmante petite bête

fait passer l’humain
pour une petite nature…

Il résiste sans problème
et pendant des années

aux milieux intensément toxiques
et excessivement salés,

aux températures de plus
de 150°C ou de moins 270°C,

à la suppression totale de nourriture,
d’eau et d’oxygène,

à des pressions de plus
de 1000 fois la nôtre,

aux rayonnements X
et même au vide de l’espace…

Les humains ne supportent
qu’une petite gamme de températures.

Leur peau est très fine,
leurs organes faillibles

et leur physiologie chétive.

On pourrait même se demander
comment cette espèce a survécu jusqu’ici…

Au regard de son extrême fragilité,
la supposée domination des êtres humains

ne semble-t-elle pas…

insignifiante ?

Chapitre 6
L’espèce faible

Plus vite, plus haut, plus fort,
la devise des jeux olympiques

nous rappelle que
l’être humain est un compétiteur né,

là pour se dépasser,
et dépasser les autres…

Sauf qu’en réalité,
il ne dépasse pas grand monde !

Il n’y a pas que le guépard

qui batte aisément
les plus grands champions de sprint :

le phacochère, le chameau
et même une simple mouche

les distancent sans effort…

Au saut en hauteur alors ?
Le puma bat tous les records

de saut en hauteur, jusqu’à
plus de 6 mètres dans les airs,

sans élan, et sans perche…

L’haltérophilie ?
Le scarabée rhinocéros peut porter

850 fois son poids :
l’équivalent d’un humain soulevant

65 tonnes… Sans entraînement…

Les éléphants de mer,
des mammifères comme les humains,

peuvent plonger dix fois plus profond
que les plus grands champions d’apnée,

à plus de 2000 mètres
de profondeur, et rester sous l’eau

pendant deux heures sans respirer…

Pour les sports de combat,
ce ne serait pas mieux.

Les humains les plus combatifs
ne tiendraient pas un round contre un gorille,

un ours ou un kangourou.

Sans parler des nombreux
animaux beaucoup plus petits qui peuvent

remporter l’affrontement
sans même avoir à combattre.

Comparés aux autres animaux,
les humains ont des sens peu performants.

Ils ne voient pas loin…

… pas la nuit

…ils sont aveugles aux
ultra-violets et aux infrarouges…

et insensibles aux ultrasons…

Ils ne détectent pas les champs
électriques, ni le champ magnétique terrestre.

Au final, si l’on compare
ses capacités physiques à celles

des autres habitants de sa planète,
il n’existe pas beaucoup de catégories

dans lesquelles l’humain
pourrais espérer un podium

aux Jeux Olympiques du vivant.

Par rapport aux autres espèces,
les performances des êtres humains

apparaissent terriblement…

insignifiantes.

Chapitre 7
Intelligences

L’Homme n’est peut-être pas
le plus grand, ni le plus fort sur Terre,

mais c’est le seul
à avoir développé l’intelligence.

Un cerveau exceptionnel
qui lui permet d’anticiper,

de comprendre, d’inventer.

Un cerveau qui lui confère
une supériorité indiscutable.

Mais qu’est-ce qui
définit vraiment l’intelligence ?

Est-ce la capacité à résoudre
des problèmes complexes ?

À ce jeu-là, les corbeaux
se débrouillent plutôt bien…

L’utilisation d’outils alors ?
Il n’y pas que les singes ou les oiseaux

qui en utilisent : les poulpes, qui,
en plus de leur cerveau principal,

possèdent un cerveau indépendant
dans chaque bras, sont capables

de prouesses insoupçonnées…

Le langage ?
Voilà une spécificité bien humaine.

En fait, non : la majorité des animaux
communiquent de manière complexe.

Les abeilles peuvent
expliquer précisément où trouver

quel type de fleur… en dansant !

Les Grands Singes comprennent
la langue des signes et peuvent

même la transmettre à d’autres.

Ils ont aussi des capacités de calcul
mental comparables aux jeunes enfants.

Même les plantes communiquent
entre elles : les acacias peuvent prévenir

chimiquement leurs
voisins lorsqu’ils se font manger.

Un avertissement
leur permettant de sécréter à temps

des toxines dans leurs feuilles.

Que reste-t-il aux
humains qui leur soit propre ?

La conscience de soi ?
La mémoire à long terme ?

L’empathie ? Le jeu et l’humour ?

Ces critères d’intelligence
ont tous été observés, à maintes reprises,

chez de nombreuses espèces.

Des plus évidentes… …
aux plus inattendues.

Même la créativité de
l’être humain doit être relativisée…

Des centaines de milliers d’années
avant même l’apparition des humains,

les fourmis avaient déjà inventé
l’agriculture, l’élevage, les classes sociales,

le travail à la chaîne
et les réseaux de communication.

Si l’on y regarde de plus près,
nombre des inventions humaines

ne sont en fait que de pâles
copies du monde vivant qui l’entoure.

Finalement, alors qu’il ne parvient
même pas à définir l’intelligence

des espèces qui l’entourent,
la supériorité du cerveau humain

ne serait-elle pas…

insignifiante ?

Chapitre 8
Dans la toile de la vie

À mesure qu’il dompte la technologie,

l’humain gagne en indépendance
et s’affranchit de l’emprise de la Nature.

Pourtant, l’humain pourrait-il survivre
sans les autres espèces ?

L’eau qu’il boit, l’air
qu’il respire, sont purifiés

par l’ensemble des espèces vivantes :
la biodiversité.

Cette biodiversité lui fournit aussi
l’intégralité de ce qu’il mange.

Mais aussi de nombreux matériaux
qui constituent son monde…

ou les principes actifs
de la majorité de ses médicaments.

L’Homme a industrialisé l’agriculture,

mais sans les pollinisateurs,
ses efforts agricoles seraient vains.

Il faut dire qu’une abeille peut visiter

la bagatelle d’un quart de million
de fleurs en une saison.

Il y a 50 mille milliards
d’abeilles à miel sur Terre.

L’agriculture bénéficie aussi
des invertébrés

et des micro-organismes du sol,
qui assurent sa fertilité.

Un gramme de terre contient
près d’un milliard de bactéries,

réparties en 10 à 100 mille
espèces différentes,

dont la grande majorité est
toujours inconnue de l’humain.

Si l’on mettait bout à bout
l’ADN de toutes ces bactéries,

cela nous mènerait
jusqu’aux confins de l’univers.

Une biodiversité d’une richesse infinie…

Chaque espèce se développe en interaction
permanente avec d’autres espèces.

Qu’une espèce disparaisse,

et les liens restants contribueront
à compenser cette absence.

Que des milliers d’espèces
disparaissent en même temps,

et la toile du vivant se trouvera
grandement fragilisée,

risquant l’effondrement.

De par sa nature biologique,

l’humanité reste entièrement
dépendante du tissu vivant de sa planète,

pour qui sa présence,
comme sa disparition,

en tant qu’espèce sont…

insignifiantes.

Chapitre 9
Jusqu’au fond de son être

Si l’Homme ne se distingue
ni par sa domination,

ni par ses performances,
ni par son intelligence,

il lui reste néanmoins
une certitude indiscutable :

celle de sa propre identité,
inaltérable et incompromise.

Mais au risque de le vexer,

l’Homme représente plutôt
une collection d’espèces,

cohabitant dans la plus parfaite
des collaborations.

L’Humain fonctionne grâce à des dizaines
de milliers d’êtres microscopiques,

sur et dans son corps, et sans lesquelles
il ne peut tout simplement pas vivre.

Même propre, toute la surface
de sa peau est couverte

d’un tapis d’animaux microscopiques,
de champignons et de bactéries,

qui agissent comme un bouclier
protecteur contre les infections.

Et son odeur corporelle, si individuelle,
si personnelle, n’est autre

que celle de
son mélange bactérien particulier,

dans une sueur autrement inodore.

Au plus profond de son être,

le mélange de bactéries intestinales,
est lui aussi propre à chaque personne.

Mais elles ne font pas
que permettre sa digestion…

elles influencent également
sa santé plus globalement ;

comme un second cerveau,

elles façonnent aussi
ses comportements, ses humeurs

et jusqu’à ses goûts et sa personnalité.

Les microorganismes du système
digestif sont extrêmement nombreux :

cent mille milliards, soit 10 fois
le nombre de cellules d’un corps humain.

Même ses propres cellules ne sont pas
aussi purement humaines qu’il ne le pense.

Au fil de l’évolution, des bactéries ont été
intégrées, domestiquées et naturalisées,

pour finalement ne plus quitter
l’intimité des cellules humaines,

et devenir essentielles
à leur fonctionnement.

Et même à l’échelle la plus intime,
celle de ses propres chromosomes,

l’intégrité de cette humanité
est remise en question.

Depuis la nuit des temps,

l’Homme a régulièrement
incorporé dans son génome

des centaines de gènes étrangers…

Au total, il s’agit de plus
de 100 000 fragments de virus,

soit 10% de l’ensemble
du génome humain !

Finalement, l’humanité dans
son intégrité même n’est rien d’autre

que le fruit d’une immémoriale
collaboration inter-espèce.

Dès lors, toutes les prétentions de l’Homme
par rapport aux autres espèces apparaissent

aussi inappropriées…

qu’insignifiantes.

Chapitre 10
Héritage

L’humain n’est pas le centre du monde.

Perdu au fin fond du cosmos,

il partage une planète anodine
avec des millions d’autres espèces,

toutes uniques et fascinantes,

dont il dépend entièrement
pour son bien-être et pour sa survie.

Poussière dans cette immensité, l’être
humain ne semble pas si exceptionnel.

Et pourtant…

En suivant sa propre voie,
l’humain a maîtrisé les éléments,

repoussé ses prédateurs,
combattu la faim et la maladie,

pour survivre,
puis s’épanouir, et enfin conquérir.

Il a inventé
la philosophie, l’art, la science.

Il a développé l’altruisme,

changé d’échelle la portée
et le volume de sa communication,

de ses échanges et de sa réflexion.

Il s’est imposé des valeurs,
une morale, une éthique.

Progressivement, il a aussi inventé
la religion, le commerce, la politique…

mais également la discrimination,
la haine et la torture…

Il a développé le consumérisme,
la destruction des terres et des mers,

l’exploitation des autres espèces,
en même temps que de la sienne.

L’Homme a réussi la prouesse de souiller
les plus hauts sommets du monde,

et les plus profonds océans,

l’intérieur des espèces,
et l’extérieur de sa planète.

Chaque minute,
il donne naissance à 250 bébés,

et produit 4 000 tonnes de déchets.

Tous les jours, il produit 240 000 voitures
et annihile 400 espèces vivantes.

Chaque année, il laisse mourir près de
9 millions d’enfants de moins de 5 ans,

et détruit
13 millions d’hectares de forêt.

L’Homme semble privilégier
la croyance au savoir, l’avoir à l’être,

et l’image du bonheur
au bonheur lui-même.

Il se pense maître de tout,
mais ne se maîtrise pas.

Il est la seule espèce à avoir développé

la capacité de détruire
son propre environnement,

sans avoir développé
la sagesse de ne pas le faire.

L’Humain, si précoce, est encore immature,
capable du meilleur comme du pire.

Parviendra-t-il à l’âge de raison
avant d’avoir brûlé sa propre maison ?

Cette question est tout
sauf…

insignifiante.